Tandis que l’aviation vit une crise existentielle majeure, Bertrand Piccard multiplie les interviews et les tables rondes pour imaginer plusieurs destins à une industrie contrainte de se réinventer. « Ne cédons pas au dogmatisme ou à la tentation du bouc émissaire. Si une industrie peut relever le défi de sa transformation, c’est bien l’aéronautique », expliquaient dans une tribune publiée par Le Journal du Dimanche, l’aéronaute et psychiatre Bertrand Piccard, président de la Fondation Solar Impulse et Catherine Maunoury, championne du monde de voltige aérienne et présidente de l’Aéro-Club de France. Mais le futur de l’aéronautique n’est pas le seul intérêt de Bertrand Piccard. Son nouvel espoir ? La démocratisation des voitures à hydrogène.
Des dizaines de chefs d’entreprises et d’investisseurs de premier plan ont déjà interpelé les autorités européennes sur la nécessité d’une mise œuvre ambitieuse d’un plan de relance axé sur la réalisation d’une transition verte et numérique : « Réaliser l’ambition à long terme de l’Europe de devenir le premier continent climatiquement neutre d’ici 2050, nécessite un vaste ensemble de mesures pour en intensifier l’action. Du point de vue des entreprises et des investisseurs, nous souhaitons une clarté sur la neutralité carbone comme voie de transition et des calendriers pour chaque secteur, ainsi qu’une politique qui permet des investissements dans des solutions neutres en carbone. Cela nous fournirait la confiance adéquate pour investir de manière décisive au rythme et à l’échelle nécessaires pour réduire les émissions, créer des emplois verts décents, stimuler l’innovation et accélérer la reconstruction d’une économie neutre en carbone », ont signé par exemple les branches européennes Microsoft, Unilever ou encore IKEA. Et parmi les signataires figurait un certain Bertrand Piccard ! Et pour cause, l’aéronaute travaille dur pour dénicher et financer des solutions dédiées à une relance verte.
Quand on l’interroge sur le futur des transports, Bertrand Piccard répond : « Les solutions de mobilité à hydrogène ce n’est pas le futur, c’est maintenant. L’électrification des transports est le meilleur moyen de décarboner la mobilité pour des distances allant jusqu’à 300 km. Au-delà, l’hydrogène est la ressource à utiliser. En Californie, au Japon ou en France, des stations à hydrogène sortent de terre ; en Allemagne, les premiers trains à hydrogène ont vu le jour, remplaçant des trains diesel ; des voitures, camions et bus à hydrogène roulent déjà sur nos routes ; et des chercheurs de la NASA explorent la possibilité d’alimenter un avion uniquement avec de l’hydrogène. »
Pour prouver les potentialités de l’hydrogène appliquées aux mobilités, l’aéronaute suisse n’hésite pas à donner de sa personne. En novembre 2019, Bertrand Piccard a battu le record de la distance parcourue en voiture avec un seul plein d’hydrogène. « Un avantage important de cette technologie est que l’hydrogène peut se faire des amis là où les batteries se font des ennemis », pense Bertrand Piccard.
La France a-t-elle entendu son appel ? Dans son plan de relance économique de 100 milliards d’euros, le gouvernement a décidé de consacrer à cette énergie plus de 7 milliards d’euros d’ici 2030. « Une première vague d’électrification a eu lieu avec les batteries électriques. Pour combiner grande autonomie de véhicule, de 500 à 700 km et un temps de recharge record de 5 minutes, nous avons besoin d’une autre forme d’énergie électrique qui est amenée par l’hydrogène », a expliqué Pierre-Etienne Franc, directeur monde de l’activité hydrogène énergie d’Air Liquide, le plus gros vendeur d’hydrogène en France au Figaro.
« Depuis 20 ou 30 ans, la mobilité à hydrogène : tout le monde en parle, mais personne ne le fait. Parce que, depuis tout ce temps, ceux qui essayaient se voyaient répondre : « C’est impossible ! » Or, l’impossible n’existe pas dans la réalité, juste dans notre esprit, dans nos dogmes et nos paradigmes », déclare Bertrand Piccard. Désormais, grâce à ces importants investissements à l’échelle européenne, l’hydrogène semble avoir passé l’âge ingrat de l’adolescence pour être enfin pris au sérieux et s’inviter à la table des adultes.
Sarah Sabsibo, journaliste L’ADN
L’ADN est le média de l’innovation qui analyse chaque jour les meilleurs concepts de la nouvelle économie sur le web et en format revue.
Copyrights : Renault Group